Humeur

Gare aux médocs

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Benjamin Busson
Benjamin Busson.

L’annonce des laboratoires Servier de vouloir se séparer de leur filiale Biogaran a fait l’effet d’une bombe dans le monde pharmaceutique. Et au-delà. Alors que l’Etat français veut faire de la réindustrialisation et de l’indépendance pharmaceutique de la France sa priorité absolue, la possibilité de voir ce poids lourd de l’industrie du médicament générique quitter l’Hexagone inquiète et scandalise. Le gouvernement comme de nombreux observateurs s’interrogent d’ailleurs sur le calendrier à l’heure où le groupe Servier est englué dans l’affaire du Médiator pour laquelle, en décembre dernier, il a été condamné à rembourser 415 millions d’euros aux caisses d’assurance maladie et aux mutuelles, avant de se pourvoir en cassation.

Pour rappel, la filiale du groupe Servier et ses 900 références détient un tiers du marché français des médicaments génériques. Pour le gouvernement la pilule est donc difficile à avaler, car outre le chantage à l’emploi (Biogaran emploie 8 600 personnes), l’excuse du manque de rentabilité des génériques (peu de groupes pharmaceutiques étant toutefois en difficulté financière à ce jour) est perçue comme un moyen de pression pour faire augmenter le tarif de ces génériques, et la menace de cession à un groupe indien ressemble fort à un coup de poker. Si on ne demande pas aux groupes privés de prendre à leur charge la politique de santé publique, on peut attendre d’eux un minimum de bonne foi et de décence. Parmi les pays qui remboursent le mieux et le plus les médicaments, la France a surtout assuré, à ses frais, une publicité gratuite et de masse aux génériques ces dernières années, au bénéfice de ces laboratoires sans rien exiger d’autre en retour qu’un approvisionnement minimum… qui n’a même pas été correctement assuré ces dernières années.