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L’IA révolutionne le monde de l’entreprise

Technologie. Le déploiement de l’intelligence artificielle se fait à grande vitesse dans les entreprises. C’est avec l’explosion de ChatGPT, de la start-up OpenAI, que l’IA s’est diffusée dans le monde entrepreneurial. Experts, formateurs et utilisateurs livrent leur analyse et expérience.

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Représentation de l'intégration de l'IA dans la médecine
La médecine est un des domaines à intégrer l’IA dans ses procédures et analyses. (Crédit : Shutterstock)

Faut-il le préciser ? Cet article n’a pas été écrit à l’aide de ChatGPT. Pourtant, l’influence grandissante de l’outil développé par la start-up OpenAI ne se dément pas. De nombreuses entreprises de différents secteurs d’activité utilisent aujourd’hui ChatGPT au quotidien. C’est en 2022 que la messagerie connaît un retentissement mondial avec le développement de sa version spécialement entraînée pour le dialogue grâce à une base de données gigantesque agrégeant tous les savoirs produits sur internet jusqu’à 2022. Le succès de cet outil est tel qu’en février 2023, OpenAI, après de brefs bouleversements internes, est valorisé en bourse à 29 milliards de dollars. Mais peut-être devrions-nous auparavant définir ce que l’on entend par « Intelligence Artificielle ».

Laurent Lucas, vice-président de la commission recherche – pôles santé et SNI (Sciences du numérique et de l’ingénieur) au sein de l’URCA indique de manière très claire : « Il ne faut pas comprendre l’intelligence au sens humain du terme. L’IA n’a pas de raisonnement propre. En revanche, elle recoupe un ensemble de techniques et de solutions qui se sont développées au fil de temps et qui produisent des résultats très pointus d’analyses de statistiques. » Le chercheur, qui a notamment piloté le projet du supercalculateur ROMEO de l’Université de Champagne-Ardenne explique que l’IA se base sur les réseaux de neurones.

« Ces derniers constituent un sous-ensemble de l’apprentissage automatique et sont au cœur des algorithmes de l’apprentissage en profondeur. Leur nom et leur structure sont inspirés du cerveau humain, imitant la manière dont les neurones biologiques s’envoient des signaux. Cette grande volumétrie de données a notamment une vocation industrielle, scientifique et commerciale. C’est typiquement ce qui constitue l’essence même du supercalculateur ROMEO. Une fois ces algorithmes d’apprentissage suffisamment affinés, ils constituent de puissants outils pour l’informatique et l’intelligence artificielle, permettant de classer et de regrouper très rapidement les données. »

Exemple avec une application mobile qui existe depuis plus de 20 ans, Shazam. Son objectif est de reconnaître un morceau de musique juste à l’écoute de quelques notes, identifié grâce à une base de données enrichie au quotidien. « C’est une IA qui retrouve des éléments signatures pour apporter une réponse. »

Science, industrie et même viticulture

L’IA est aujourd’hui appliquée dans de nombreux domaines et en premier lieu, la science et la santé. « L’IA intervient désormais lors de l’étape de lecture d’un diagnostic, en imagerie médicale notamment. Le système va se référer à une base de données qui va analyser des milliers et des milliers de clichés pour en donner, ensuite, une première interprétation et direction. Mais cette piste reste un indicateur qui doit être corroboré par l’humain », insiste Laurent Lucas (voir encadré). « L’IA n’établit qu’une probabilité sur la base d’une connaissance qu’elle a ingéré préalablement. » L’industrie automobile aussi, utilise de plus en plus l’IA, notamment dans la phase de conception des véhicules.

« Auparavant, les constructeurs utilisaient des maquettes physiques. Aujourd’hui, ces maquettes sont de plus en plus souvent numériques, car elles peuvent intégrer un nombre gigantesque de détails et de données sur la densité des matériaux, leur résistance, leur apparence et interaction par rapport à la lumière, etc. Des données qui pouvaient prendre des heures ou des jours de calculs sont aujourd’hui générées automatiquement… »

Dans ce cas, l’IA est un immense facteur d’amélioration de temps et donc de performance pour l’entreprise. C’est pourquoi Stellantis utilise aujourd’hui l’IA, grâce à la technologie du supercalculateur ROMEO, pour la conception de ses maquettes automobiles. « Cela permet au décideur d’avoir une vision éclairée en temps réel et à l’autre bout de la planète. Quant aux coûts induits par la chaine de production, ils sont archi-maîtrisés », insiste Laurent Lucas. Mais si la santé et l’industrie apparaissent comme des secteurs logiques pour une utilisation de l’IA, en viticulture aussi, on se tourne vers cette technologie.

Même si le secteur du champagne ne communique pas véritablement dessus, dans un souci de contrôle de son image de tradition et de terroir, certaines Maisons se sont tournées vers le tri optique des grappes de raisins pour détecter la pourriture. Plus précise et plus rapide, cette méthode est capable de trier près de 15 tonnes de raisin par heure avec une précision incomparable. L’IA permet également d’estimer le rendement d’une parcelle grâce à l’analyse par drone et par robot du développement de la vigne sur une parcelle, à un temps T.

Et maintenant, le langage et la créativité

Le recours grandissant à l’intelligence artificielle va modifier certains métiers, si ce n’est à terme, en faire disparaître certains... « La série ChatGPT qui est un outil d’aide au traitement du langage a été un levier et des dizaines d’autres vont suivre, voire même des plus performants. » Ces modèles de base utilisent l’IA générative (et plus précisément le Deep Learning) pour le traitement et la génération de langage naturel. L’objectif des large language models (LLM) étant d’apprendre la complexité du langage humain, ils sont pré-entraînés sur une grande quantité de données (texte, images, vidéos, discours, etc.)

« Plus un LLM utilise de paramètres, meilleures sont ses performances. Mais il ne faut pas se tromper, ça ne sont que des réponses d’ordre statistiques établies en fonction d’un contexte », insiste Laurent Lucas. Julien Crozat, Directeur de l’agence de communication Zetruc, établie à Reims, Troyes et maintenant Ajaccio, utilise l’intelligence artificielle au quotidien, notamment dans la partie optimisation de stratégie commerciale mais aussi, plus personnellement, dans la gestion de son emploi du temps.

« ChatGPT facilite par exemple l’avancée dans un projet. Si j’ai une idée à une heure du matin avec les problématiques qui vont avec, je vais avancer avec l’aide de ChatGPT et le lendemain, je pourrai en discuter avec mes équipes à un stade plus avancé que je ne l’aurais fait auparavant. » L’IA amène alors non seulement de la disponibilité mais aussi plus de volume d’affaires à traiter. Julien Crozat veut y croire. « Comme je peux avancer plus vite grâce à l’IA, je peux multiplier les projets et donc embaucher de nouvelles personnes pour s’en occuper. »

Idem pour les tâches automatisables ou répétitives. Et la création dans tout ça ? « Les personnes qui viennent en agence de communication ne viennent pas chercher une technique, ils viennent chercher du goût, un conseil, une orientation. L’IA est devenu un outil, une technologie en plus, pas quelque chose qui doit remplacer les compétences. » Cette technologie a d’ailleurs permis à Zetruc de conquérir des marchés à l’international. « Le métier d’hier n’est pas celui de demain. Cela nous permet de rester à la pointe du progrès et d’être le plus efficient possible. Ne pas le comprendre fera rester sur la touche. »

Des garde fous

  • Un accord de partenariat entre « Le Monde » et OpenAI : « Cet accord pluriannuel, le premier entre un média français et un acteur majeur de l’IA, permettra à la société de s’appuyer sur le corpus du journal pour établir et fiabiliser les réponses de son outil ChatGPT », indique le président du Directoire du Monde.
  • Le 2 février, les 27 états membres de l’UE ont validé l’AI Act, premier règlement sur l’intelligence artificielle qui prévoit notamment des règles accrues sur les IA génératives devant protéger les droits d’auteur et faire mention d’un texte, d’une image ou d’un son généré par IA. Les pratiques les plus « à risque » devront répondre à des exigences renforcées, comme une obligation de transparence ou la mise en place d’un contrôle humain sur le logiciel (santé, RH, banque, etc.).