Entreprises

L’argent liquide a encore de l’avenir

Finances. Ces dernières années, l’utilisation de l’argent liquide semble diminuer progressivement, entraînant ainsi une baisse du nombre de distributeurs de billets. Qu’en est il vraiment ?

Lecture 9 min
Photo de plusieurs billets de 20€
Aujourd’hui, le billet de 20€ est le plus utilisé en France. (Crédit : Shutterstock)

Autrefois omniprésent dans nos porte-monnaies, l’argent liquide semble progressivement relégué au second plan au profit des transactions électroniques. Cette métamorphose, observée tant en France que dans le reste du monde, est le fruit d’un bouleversement technologique majeur, propulsant les moyens de paiement scripturaux et digitaux sur le devant de la scène économique. En effet, entre 2018 et 2022, le pourcentage de transactions effectuées en espèces au point de vente a décliné de manière significative, passant de 68% à 50% selon la Banque de France. Cette transition rapide est alimentée par l’adoption croissante des outils numériques, tels que les cartes bancaires dotées de la technologie sans contact, les virements instantanés facilités par les applications bancaires, ou encore l’essor du commerce électronique, offrant des alternatives pratiques et sécurisées.

« Les paiements par CB ou sans contact ont évidemment fortement augmenté depuis les périodes de confinement mais l’accessibilité au cash reste toujours une préoccupation pour beaucoup de concitoyens », indique Guillaume Denis, Directeur du Territoire de la Marne de la BPALC. En effet, malgré cette diminution apparente de l’utilisation d’espèces, les chiffres relatifs à l’émission de monnaie fiduciaire témoignent d’une tendance contraire. Depuis l’introduction de l’euro, les émissions nettes dans l’Eurosystème ont connu une croissance impressionnante, atteignant près de 1 600 milliards d’euros à la fin de l’année 2023 contre moins de 1 200 milliards en 2018. L’Allemagne se positionne en tête de ce phénomène, avec plus de la moitié de ce montant, suivi par la France, qui émet près de 209 milliards d’euros.

Ainsi, face à cette évolution monétaire, le paysage bancaire connaît des ajustements significatifs. « C’est l’usage des consommateurs qui guide les tendances : quand les clients fréquentent moins les agences bancaires, quand l’usage du billet diminue, l’offre s’adapte et donc le nombre de distributeurs à billets diminuent », explique Louis Retornaz, Directeur départemental de la Marne de la Banque de France.

Une tendance à la baisse des distributeurs à billets

L’accessibilité aux distributeurs automatiques de billets (DAB) constitue donc encore un enjeu majeur pour la population, et les statistiques récentes mettent en lumière une évolution dans ce domaine. Si en France, à la fin de l’année 2022, près de 79,2% de la population se trouvait à moins de cinq minutes en voiture d’un DAB, entre 2018 et 2023, le nombre de distributeurs à billets en France a connu une diminution notable, passant de 52 697 à 43 521 (voir graphique). Cette tendance n’est pas isolée au niveau national, puisqu’elle se retrouve également dans le Grand Est. En 2022, la région comptait 3 634 distributeurs, contre 4 274 quatre ans plus tôt.

« Il existe une différence de répartition des distributeurs entre les territoires urbains et ruraux. Si on rapporte le nombre de distributeurs au nombre d’habitants, les zones les moins denses ne sont pas moins dotées. La distance et le temps d’accès sont évidemment plus longs, il faut souvent se rendre dans une autre commune. En outre, sur la période récente, le nombre de distributeurs installés dans les petites communes n’a pas diminué », souligne Louis Retornaz.

Malgré ces ajustements dans la localisation des distributeurs, la disponibilité des liquidités pour les clients semble inchangée, s’adaptant progressivement aux évolutions des habitudes de consommation. « Nous maintenons une stabilité du parc installé de nos distributeurs sur la Marne comme sur tout le territoire de la BPALC, avec au moins un automate par agence, aussi bien en ville que dans les zones rurales », confirme Guillaume Denis. « Avec près de 400 distributeurs sur le territoire de la Caisse d’Epargne Grand Est Europe, l’objectif demeure de répondre aux besoins financiers de la clientèle, en assurant une accessibilité optimale aux services bancaires, quel que soit le contexte géographique », explique Sébastien Marmonier, Directeur distribution et développement digital de la Caisse d’Epargne Grand Est Europe.

Moins de distributeurs à billets mais plus de points d’accès

Le maintien de l’argent liquide comme moyen de paiement sécurisé demeure une préoccupation importante pour de nombreux acteurs économiques. « Le billet reste un moyen de paiement parmi les plus sûrs », souligne Louis Retornaz. Cette affirmation trouve un écho dans les résultats d’une enquête réalisée par la Banque Centrale Européenne (BCE) en 2022. L’étude révèle que 95 % des entreprises en France acceptent les espèces, et que 99 % d’entre elles prévoient de continuer à le faire dans les années à venir.

« Pour les petits commerces en particulier, le paiement en espèces demeure attrayant en raison de sa simplicité et de l’absence de frais supplémentaires associés aux transactions par carte bancaire », explique Christophe Michel, gérant d’un bureau de tabac à Gueux, dans la Marne.

Par ailleurs, selon un rapport préliminaire de la Banque de France, fin 2023, près de 98,8% des Français de 15 ans et plus résidaient dans une commune équipée d’au moins un point d’accès à l’espèce, ou à moins de 15 minutes de route d’une commune disposant d’un tel point d’accès. Cette accessibilité est soutenue par un réseau de 71 995 points d’accès aux espèces en France métropolitaine à la fin de l’année 2023, comprenant notamment les distributeurs automatiques de billets et les points d’accès privatifs.

Graphique sur la distribution des points d'accès aux espèces entre fin 2018 et fin 2023
Graphique du nombre des points d’accès aux espèces en France entre fin 2018 et fin 2023. (Crédit : Banque de France)

Ces services complémentaires de distribution d’espèces chez les commerçants continuent en effet de se développer. Certains buralistes ont par exemple établi des partenariats avec les banques pour offrir aux habitants des villages la possibilité de retirer de l’argent via un terminal de paiement électronique (TPE) installé dans leur commerce. « À Gueux, nous avons mis en place un retrait d’argent dans notre commerce en partenariat avec le Crédit Agricole. Ainsi, les clients de cette banque peuvent venir retirer jusqu’à 100€ par jour. Bien que ces dispositifs ne remplacent pas totalement la présence d’un distributeur automatique de billets, ils contribuent à améliorer l’accessibilité aux espèces, en particulier en milieu rural », ajoute Christophe Michel. Ainsi, avec près de 27 000 emplacements pour les quatre réseaux concernés (BNPP, Crédit Agricole, Crédit Mutuel et Banque Postale) à la fin de l’année 2022, les points d’accès privatifs connaissent une progression de 3,9% en 2022, soulignant l’importance accordée à la disponibilité de l’argent liquide pour l’ensemble de la population, quel que soit son lieu de résidence.