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Les coiffeurs souhaitent une (re)valorisation de leur métier

Artisanat. Christophe Doré, président de l’UNEC (Union nationale des entreprises de coiffure) était en visite auprès des professionnels artisans-coiffeurs, avec comme problématiques abordées, celles de la concurrence déloyale, de la baisse de la TVA ainsi que de la formation.

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Photo d'Emma Cotret
Emma Cotret, coiffeuse depuis 12 ans, a repris le salon Loft’Hair, rue Cérès, il y a 5 ans. (Crédit : ND)

Ils ne veulent pas couper les cheveux en quatre, mais en ces temps de grogne sociale, les coiffeurs aussi, ont leur mot à dire. En premier lieu, ils sont comme de nombreux professionnels confrontés à la hausse des coûts : eau, électricité, matières premières… « Beaucoup de produits que nous employons pour les colorations sont à base d’aluminium, or l’aluminium provient essentiellement d’Ukraine. Les industriels ont depuis le conflit augmenté en moyenne leurs produits de 10 à 15%. Mais dans les salons, cette hausse n’a pas été répercutée », indique Christophe Doré, président de l’UNEC (Union nationale des entreprises de coiffure), en déplacement à Reims pour échanger avec les professionnels du secteur.

L’électricité aussi est un gros poste de dépense pour les artisans-coiffeurs. « Cette hausse, nous allons la ressentir très fortement en 2024 », prévient-il, exhortant les professionnels à anticiper ces coûts. La gestion de la trésorerie est d’ailleurs souvent une des raisons de fermeture de salons. En cause, l’absence de formation pour les coiffeurs à devenir des gestionnaires.

« On est formé à une technicité, une coupe, un brushing, une couleur. Les coiffeurs sont des artistes, mais beaucoup ne sont pas des chefs d’entreprise. Et cela, il faut y remédier en intégrant, dans les formations, plus de gestion », explique celui qui est aussi Président de la CMA de Normandie. C’est aussi dans cette optique que l’UNEC a créé un Institut de la création / reprise d’entreprises. « L’I2CR, Institut Coiffeur Créateur Repreneur propose un accompagnement complet et sur-mesure aux professionnels en devenir, à ceux déjà établis et souhaitant se développer ainsi qu’à ceux qui souhaitent céder leur entreprise. » Cet Institut a également été conçu dans le but de valoriser le métier de coiffeur.

« La plupart des personnes, si l’on fait un sondage, trouvent qu’aller chez le coiffeur, c’est toujours trop cher. Or, quand on y va, on ne paye pas seulement une prestation. Il y a un accueil, une réflexion, une écoute et les charges sont nombreuses », veut rappeler Christophe Doré. Aussi, ce qui coûte de l’argent, c’est le temps-mort.

« Dans une journée, 35% du temps n’est pas utilisé à effectuer une prestation auprès d’un client. Mais à ranger, nettoyer, plier des serviettes, gérer les stocks et faire appel aux fournisseurs. Ça, le client ne le voit pas », insiste-t-il. Emma Cotret, à la tête du salon Loft’Hair, rue Cérès à Reims explique pour sa part : « Par exemple, moi je suis ouverte le lundi. C’est rare pour un coiffeur. J’ai mis cinq ans à développer et à rentabiliser ce lundi. Le rush, dans la semaine, c’est souvent entre midi et deux. Alors on s’adapte, on décale sa pause après. Le samedi matin marche également très bien, et dans mon salon, le samedi après-midi moins. On est dans une adaptation permanente aux habitudes des clients. »

Concurrence déloyale

Toutefois, la profession s’inquiète de la concurrence déloyale des chaines de coiffure qui se montent sans respecter la légalité du droit du travail. « Les coiffeurs doivent rester fermés le dimanche, ceux qui le sont sans dérogation sont hors la loi », rappelle Christophe Doré. Un autre objet d’inquiétude est celui de la « location de fauteuil », pratique qui se répand de plus en plus et qui n’est pas encadrée par des tarifs bien définis. « Un indépendant, auto-entrepreneur, peut venir louer un fauteuil à la journée dans un salon. Alors oui, cela va rapporter un complément de revenu, mais les encadrements doivent être très stricts. Il n’y a aucun lien de subordination entre le loueur et le propriétaire. Il vient avec ses produits, ses clients... » Une pratique qui tente certains salons souhaitant arrondir les fins de mois.

« Nous sommes sur un équilibre permanent. Car si un salon marche bien, avec beaucoup de clients, il va vouloir embaucher un salarié en plus. Mais parfois, la balance entre une nouvelle embauche pour trois prestations de plus par jour, n’est pas forcément un bon calcul. » Car la réglementation du travail, comme les arrêts pour maladie professionnelle peuvent mettre lourdement en péril les petites structures. « J’ai dû me séparer d’une collaboratrice pour maladie professionnelle, cela m’a coûté 14 000 euros plus 7 000 de charges », témoigne un coiffeur rémois. « Si j’avais été dans une situation plus précaire, j’aurais dû faire un prêt pour absorber ce coût », annonce-t-il.

21 000 apprentis

Pour alléger la facture, plutôt que d’augmenter les prix – peu de coiffeurs osent le faire dans ce contexte – une des solutions préconisées serait de baisser la TVA de 20 à 10% sur certaines prestations, comme la coupe ou le brushing, des actes qui ne nécessitent pas l’utilisation de produits particuliers : « Nous sommes en train de porter ces sujets auprès de la nouvelle Ministre Olivia Grégoire », fait savoir Christophe Doré.

Dernier sujet abordé, celui de la formation. Car si 2023 est une année record avec plus de 21 000 apprentis, il n’y a pourtant jamais eu autant de difficultés à recruter. « Jamais nous n’avons eu autant d’apprentis et si peu d’embauches. Que deviennent-ils ? » s’interroge Emma Cotret. Celle qui a racheté, voilà cinq ans, le salon tenu auparavant par sa mère, insiste aussi sur le manque d’employabilité de certains jeunes qui sortent d’école et plus spécifiquement de Bac professionnel. « Le Bac pro est censé former des coiffeurs avec un potentiel de manager, mais quand ils arrivent au salon, c’est très compliqué. En comparaison à un jeune qui a fait un CAP puis un brevet professionnel, entre les deux, les compétences acquises ne sont pas les mêmes ! »

Car si l’apprenti doit être encadré par son maître de stage au salon, son comportement, son envie et son investissement seront au moins aussi importants que sa capacité à coiffer. « Il faut que l’on sorte de la tête des jeunes que la coiffure, c’est une voie de garage. Quand on monte un salon, on est non seulement coiffeur mais aussi formateur, comptable, commerçant et chef d’entreprise ! C’est passionnant. Mais il faut aussi transmettre cette passion et donner envie aux jeunes de faire ce métier », plaide la jeune trentenaire qui compte s’investir plus encore dans la formation.