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Eau, énergie et NNI : Cristal Union se donne les moyens de son optimisme

Coopérative. Le groupe coopératif sucrier Cristal Union a engagé les assemblées générales de ses huit sections locales avant la diffusion officielle de ses résultats, d’ores et déjà annoncés en forte hausse, début juin.

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Photo de Didier Blanckaert, Olivier de Bohan et Xavier Astolfi
Didier Blanckaert (avec le micro) a présenté les résultats du site de Sillery dont il est le président, avant qu’Olivier de Bohan, président de Cristal Union et Xavier Astolfi, directeur général, présentent le bilan 2022 du groupe et les perspectives l’avenir aux 250 adhérents présents. (Crédit : BB)

Chez Cristal Union, les assemblées générales de sections locales laissent apparaître des résultats en hausse grâce notamment à des prises de position stratégiques. A Sillery, qui est la plus importante section du groupe en terme de surface notifiée (27 000 hectares), le président Didier Blanckaert a enregistré des rendements « moyens ».

« La sécheresse a conduit à une récolte décevante. Nous avons espéré accrocher les 80 tonnes / ha, nous n’y parviendrons pas : notre usine de Sillery ressort à 78,9 tonnes contre 91,2 en 2021 », souligne-t-il.

Avec 1320 adhérents et 1,9 million de tonnes de betteraves traitées en 2022, la section de Sillery a produit pas moins de 210 000 tonnes de sucre en 2022 et 50 000 tonnes de substrats destinés à Cristanol.

Face à la crise énergétique et au vu de la situation internationale, le groupe a choisi de privilégier sa production de sucre par rapport aux alcools notamment. Une manière de tirer le meilleur parti des marchés, bien plus porteurs sur le sucre.

En effet dans les autres pays producteurs de l’Union Européenne, la récolte a été moyenne et en raison de la position importatrice de l’Europe qui s’est accrue dans un contexte mondial de forte demande de sucre, les prix ont presque doublé dans l’Union en 2022, passant de 440 € la tonne en février 2022 à 773 € en janvier 2023.

De quoi faire monter la betterave à 43,40 euros la tonne et de permettre à Cristal Union de ressortir des résultats en forte hausse, qui seront dévoilés lors de l’assemblée générale de la coopérative le 5 juin prochain.

Pour Olivier de Bohan, le président de Cristal Union, la hausse devrait encore se poursuivre : « Nous avons été en mesure d’annoncer, dès janvier, un objectif de prix encore en hausse, à 45 euros la tonne, dont on sait déjà qu’il devrait être dépassé. L’effet ciseau tant redouté ne touchera pas la betterave ! »

Les défis de l’eau et de l’énergie

A Sillery, comme sur les autres sites du groupe, la décarbonation comme la gestion de l’eau ont été, lors du dernier exercice, deux axes majeurs de travail. Pour Xavier Astolfi, le directeur général du groupe, la réduction de l’empreinte carbone, au-delà d’être vue comme une contrainte, doit aussi être abordée comme une nécessité : « Ces engagements seront demain nécessaires pour obtenir des financements », estime-t-il.

« Avec la nouvelle taxonomie verte, les banques et les financeurs se tourneront vers les entreprises engagées dans la réduction de leur empreinte carbone ».

Et Cristal Union voudra forcément être de celles-là. D’autant que, précise Xavier Astolfi, la concurrence est en avance sur le sujet :

« Le sucre de canne est déjà totalement décarboné à ce jour ». Le groupe multiplie les initiatives, comme sur le transport par exemple : Cristal Union a en effet testé au cours des derniers mois 7 camions-bennes de 48 tonnes, qui ont permis d’éviter 250 traversées de villages par jour.

« C’est en Champagne qu’on a lancé le 44 tonnes, c’est en Champagne que nous allons lancer le 48 tonnes », lance Bruno Labilloy, directeur agricole du groupe. Rien qu’à Sillery, où ont traitées 19 000 tonnes de betteraves par jour pendant la centaine de jours qu’a duré la campagne 2022, la question de l’énergie est primordiale. Le groupe a engagé des travaux d’envergure qui ont permis d’économiser 5% d’énergie en 2023.

« En 2024 une deuxième phase de travaux va être engagée », explique Pierre Ducret, le directeur du site. « 8 M€ auront été investis sur deux ans et seront amortis en 5 ans grâce à des gains d’énergie considérables ».

Le groupe est en tout cas déjà fortement engagé dans la réduction de la consommation d’eau grâce au recyclage. « Depuis 10 ans, Sillery est un site complètement vertueux sur le plan de sa consommation d’eau », souligne Pierre Ducret. « Dans trois ans, toutes nos sucreries seront autonomes en eau », ajoute Pascal Hamon, directeur industriel du groupe. Un résultat obtenu grâce à la composition de la betterave qui contient pas moins de 75% d’eau à son arrivée dans les sucreries.

L’après NNI déjà en marche

Impossible pour le groupe de ne pas revenir sur l’un des faits marquants de l’année 2022 qui a été la décision d’interdire, dès 2023, l’utilisation des NNI (néonicotinoïdes) indispensables dans la lutte contre la jaunisse. Pour permettre à ses adhérents de pouvoir se prévenir contre la jaunisse, la coopérative a lancé une application destinée à identifier et à alerter les parcelles touchées par les pucerons.

De quoi permettre de lutter en attendant le dispositif d’indemnisation promis par le gouvernement et en cours d’élaboration. Mais surtout en attendant l’arrivée sur le marché de nouvelles variétés de betteraves plus résistantes.

« Cette sortie des néonicotinoïdes, nous la préparions déjà pour 2024. Le calendrier a donc été avancé d’un an, simplifiant au passage le casse-tête des successions culturales que la dérogation nous imposait, souligne Olivier de Bohan. De plus, nos équipes agronomiques ont déjà mis en place pour accompagner nos adhérentes et nos adhérents ».

D’autant que dès 2025-2026, de nouvelles variétés résistantes, les NBT, seront disponibles sur le marché « sans aucune différence sur les semences obtenues. L’arrivée des NBT devrait nous permettre d’accélérer l’adaptation de nos modes de production aux enjeux environnementaux, climatiques et sociétaux ».

Le président de Cristal Union se permet même de citer Pascal Canfin, président de la Commission Environnement au Parlement européen, qui estime que les NBT (pour New Breeding Technique ou nouvelle stechniques d’amélioration des plantes) sont la seule alternative « à la fois réaliste sur le plan économique, tout en faisant avancer la transition. »

Pour Olivier de Bohan, qui déplore au passage la tendance française à la surtransposition qui plombe la compétitivité nationale, « l’accompagnement agronomique progresse, les recherches avancent, et d’ici deux à trois ans, la jaunisse ne sera plus qu’un mauvais souvenir ».

La pulpe, enjeu stratégique

Parmi les interrogations des adhérents, le devenir de la pulpe et surtout sa disponibilité. Ingrédient très prisé par les éleveurs pour la nourriture animale, elle est aussi utilisée par les méthaniseurs et les industriels fabricants de pellets deshydratés. « La biomasse, et la pulpe en particulier, devient un enjeu majeur de la décarbonation », explique Xavier Astolfi.

« Nous devrons trouver, au mieux des intérêts conjoints de la coopérative et de ses adhérents, le meilleur compromis sur l’utilisation et l’allocation de la pulpe de betterave. Pour cela, nous devons maîtriser nos co-produits et l’ensemble des débouchés actuels et à venir de la pulpe de betterave pour procéder de façon agile et flexible à l’allocation vers les différents usages, alimentation animale et production d’énergie sous forme de méthanisation ou de combustion ».

Pour ce faire, le groupe a créé une division commerciale au sein de sa filiale CristalCo, qui sera chargée de la commercialisation des pulpes déshydratées des drêches et des mélasses produites dans le groupe sur les marchés de l’alimentation animale et de l’industrie de fermentation.

En attendant de dévoiler les résultats officiels le 5 juin prochain lors de l’assemblée générale du groupe, Olivier de Bohan l’affirme à ses adhérents : « La betterave est une culture d’avenir ».