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Des jeans aux billets, le chanvre gagne du terrain

Agro-industrie. La Chanvrière de l’Aube multiplie les débouchés et prépare déjà l’extension de sa nouvelle usine à Saint-Lyé.

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Photo de Benoît Savourat
Benoît Savourat compte beaucoup sur les fibres de chanvre utilisées en mélange par les filateurs pour développer les marchés dans l’industrie textile. (Crédit : LL)

« Le chanvre aujourd’hui, c’est comme le pétrole dans les années 1930 », estime Benoît Savourat, le président de la Chanvrière de l’Aube. La démultiplication d’applications à partir du pétrole avait profondément modifié toute l’industrie.

Désormais, face aux enjeux climatiques, l’industrie cherche à remplacer les dérivés du pétrole, mais aussi les fibres végétales moins vertueuses par des ressources renouvelables à impact écologique positif.

C’est le cas du chanvre, une culture écologique car elle n’a besoin ni d’eau, ni de produits phytosanitaires, contrairement au coton par exemple. « Le textile est un énorme marché en plein devenir, pour lequel le chanvre pourrait diminuer le recours au coton, de plus en plus décrié pour son impact écologique négatif », poursuit le président de la coopérative auboise qui produit désormais des fibres de chanvre utilisées en mélange par de grands fabricants de jeans ou encore de chaussettes.

Cette incorporation du chanvre diminue d’autant la part de coton. Avec aujourd’hui 700 agriculteurs qui cultivent du chanvre pour la coopérative dans un rayon de 120 km autour de Troyes, la Chanvrière de l’Aube est de loin le leader européen. Avec 11 000 hectares, elle assure la transformation de 50 % du chanvre français et 20 % de la production européenne.

« Nous en sommes à 70 000 tonnes transformées par an pour une usine de 100 000 tonnes de capacité », note Benoît Savourat. Mise en service en 2021, cette usine comptant une cinquantaine de salariés ne cesse de monter en puissance. Sept hectares de terrain supplémentaires sont en cours d’acquisition pour préparer les projets d’extension, venant s’ajouter au treize hectares du site actuel.

Un culture écologique

L’usine exporte 70 % de sa production et compte un bureau en Grande Bretagne. La Chanvrière fournit toujours son marché historique, celui du papier à rouler pour cigarettes. Elle a aussi développé des débouchés plus récents comme celui de la litière pour chevaux et rongeurs, et avec les graines, pour l’oisellerie, la pêche ou encore les cosmétiques.

Ces dernières années, de nouvelles applications ont été trouvées, par exemple pour la fabrication de bioplastiques dans l’industrie alimentaire ou encore d’isolants ou de bétons de chanvre dans la construction. Un nouveau champ d’application semble également s’ouvrir avec les billets en euros.

Actuellement, ils sont fabriqués à 100 % avec des fibres de coton importées majoritairement des États-Unis. Une pratique qui suscite des critiques en matière de souveraineté d’autant que la culture du coton a un impact environnemental défavorable.

« Il serait plus intéressant sans doute d’incorporer aux billets d’euros des fibres de chanvre produites en France avec un impact écologique bien plus intéressant », note Benoît Savourat à propos de ce marché potentiel pour lequel il s’est trouvé un allié de poids, François Baroin (voir photo ci-dessous).

L’ancien ministre de l’Économie juge l’idée très intéressante et entend même inviter le commissaire européen en personne, Thierry Breton, à l’inauguration officielle de l’usine de La Chanvrière de l’Aube et du pôle bioéconomie de Saint-Lyé, pour lui soumettre l’idée. « Nous avons une chance incroyable avec le chanvre et tout le potentiel industriel qu’il représente », ajoute le président de Troyes Champagne Métropole venu visiter la nouvelle usine.