Entreprises

« Il faut de la croissance pour satisfaire aux objectifs de transition énergétique »

Patronat. Invité par le Medef ardennais, le président national Patrick Martin en a profité pour envoyer quelques messages très forts lors de son intervention au château-fort de Sedan devant les dirigeants d’entreprises locaux.

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Photo de Patrick Martin
Patrick Martin a été élu, à 63 ans, président du Medef en juillet dernier avec 73,18 % des suffrages. (Crédit : R MEIGNEUX)

C’est lors d’une conférence sur le thème, « Les Entrepreneurs, acteurs d’une transition environnementale, énergétique et numérique réussie » que Patrick Martin, président du Medef, élu en juillet dernier, est venu s’exprimer devant un parterre d’entrepreneurs ardennais, au Château-Fort de Sedan.

Conjoncture

« À travers nos 99 fédérations, nous avons une vision très exhaustive de la situation et je confirme une réelle dégradation économique. Les indicateurs macro-économiques commencent à en porter la trace en terme d’emplois. Mais il ne faut pas pour autant être alarmiste. On traverse un passage à vide lié pour une bonne part à un renchérissement du coût de l’argent. Notre conviction est que l’on a atteint un plafond en matière de taux directeur. Il pourrait y avoir au cours du second semestre 2024 une baisse de ces taux sans que l’on revienne à des niveaux anormalement bas et qui nous ont tous un peu drogués. Il n’y a rien de catastrophique. Le vrai sujet d’interrogation, c’est le différentiel qui est en train de se creuser entre l’Europe, donc la France, et les Etats-Unis qui ont une croissance très soutenue et investissent. C’est pourquoi, le Medef se veut très exigeant à l’égard des pouvoirs publics pour que la politique de l’offre ne soit pas suspendue mais accélérée. »

Entreprises en difficultés

« On observe une remontée très significative du taux de défaillance d’entreprises. Nous avons retrouvé le niveau qu’on avait connu en 2019 et l’évolution de la trajectoire est inquiétante. Raison de plus pour que les entreprises soient soutenues d’autant qu’un certain nombre de plans de restructurations se préparent dans des entreprises actuellement en surveillance. Il faut donc être très attentif à cette situation. »

Les récents propos du président sur les PME

« C’est un peu dans l’ordre des choses. Tout cela est scénarisé. Et puis on a d’autres préoccupations avec la conjoncture actuelle. Il ne s’agit donc, en aucun cas, d’entrer dans une polémique à fortiori avec le Président de la République pour lequel par définition, on a beaucoup de respect. Mais on souhaite qu’il y ait une accélération des réformes sur les impôts de production, la simplification administrative et le cas échéant sur l’assurance-chômage. »

Dialogue social

« Je ne suis pas convaincu que la situation sociale dans notre pays soit apaisée mais dans ce panorama, l’entreprise reste un lieu somme toute pacifié. Les partenaires sociaux, s’ils doivent se réinventer et balayer devant leurs portes sont, malgré tout, un facteur de stabilité et de sagesse. Il faut les considérer. Ils doivent jouer pleinement leur rôle car la démocratie sociale a plus que jamais sa place au sein de l’entreprise même s’il y a parfois des désaccords. Le Medef trouve en tout cas dangereux que l’Etat veuille prélever trois milliards d’euros sur les réserves des retraites complémentaires AGIRC-ARCO qui étaient bien gérées. C’est porter atteinte aux intérêts des 25 millions de cotisants. Cette idée est choquante et dangereuse. »

La complexité administrative

« C’est un sujet qui pollue le fonctionnement de nos entreprises. Il y a trop de lois, trop de textes et on en crève ! 850 nouvelles réglementations ont été imposées par l’Europe aux entreprises en l’espace de cinq ans. Il faut d’urgence stabiliser ce phénomène qui impacte nos PME. On peut tous faire des économies dans ce registre, l’État y compris, sans que cela occasionne de grands chambardements. Il y a 2 à 3 % du PIB, soit un potentiel de 80 milliards d’euros d’économies qui peut être réalisé à travers la simplification administrative. On va donc être très déterminé et coopératif avec le Gouvernement en réouvrant ce chantier qui est un véritable enjeu car cette avalanche de normes législatives est préjudiciable au développement de notre économie. »

Lycée professionnel

« Le Medef appuie résolument la réforme des lycées professionnels. Il faut gagner cette bataille pour arriver à ce que les filières de formation proposées dans ces établissements soient adaptés aux besoins de notre économie et facilitent l’orientation des élèves dans des métiers pourvus d’emploi. C’est l’intérêt des jeunes et on entend être au plus proche de l’Education Nationale pour améliorer les choses et réduire les frustrations que cela entraîne. »

Décarbonation

« On ne peut pas être dans le déni, il y a de moins en moins de climato- sceptiques. Mais s’il n’y a pas de croissance, on voit mal comment les entreprises pourront financier les 40 milliards d’euros nécessaires à la réussite de nos objectifs environnementaux. Dans cet emballement, on déplore aussi certaines dispositions législatives à l’image du zéro artificialisation nette qui a un effet pour les porteurs de projets. »

Nucléaire

« Un des freins principaux qu’on va connaître dans la relance du programme nucléaire, en dehors de son financement et de l’autorisation législative, ça va être le problème des compétences. On peut prendre le sujet par tous les bouts, il faut former nos jeunes et proposer également des transitons professionnelles à ceux qui sont déjà en activité dans des métiers menacés. Et recourir aussi à des gens de très hautes qualifications par une immigration choisie. »

Immigration

« Structurellement et durablement, nous aurons des tensions de recrutement. C’est la résultante du déclin démographique. Il faut avoir en tête qu’à partir de 2035, on ne renouvellera plus en France les générations d’âge actif. Il ne faut pas se raconter d’histoires : nous aurons besoin, dans un certain nombre de secteurs, et à différents niveaux de qualification, de main d’oeuvre immigrée. Il faudra gérer cela d’une manière objective et sereine et avec une immigration choisie. Comme on le fait bien au Canada et dans des pays nordiques. En faisant preuve de sagesse dans ce débat. Car l’immigration économique, c’est 15% des flux migratoires. Concernant la régularisation des travailleurs sans papier, il faut apporter des réponses très pragmatiques car cela crée des distorsions entre les entreprises qui sont dans la légalité et celles, très rares, qui au contraire proposent des salaires anormalement bas aux personnes en situation irrégulière ».