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Les travailleurs frontaliers du Grand Est toujours plus qualifiés

Emploi. Le nombre de travailleurs transfrontaliers augmente de près de 40% entre 1999 et 2019. En 20 ans, l’INSEE note trois fois plus d’entre eux hautement qualifiés. Les ouvriers non qualifiés perdent un quart de leurs effectifs. Si le Luxembourg embauche toujours plus de salariés du Grand Est, on assiste à une décélération en direction de l’Allemagne, la Suisse et la Belgique.

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Photo d'ingénieurs dans une usine
Près de 30 000 salariés originaires du Grand Est exercent une profession très qualifiée. (Crédit : DR)

Dans les vingt dernières années, selon les derniers chiffres de l’INSEE de 2019, le nombre de travailleurs frontaliers du Grand Est, estimé à 183 000, a fortement augmenté globalement avec des tendances différentes suivant les quatre pays frontaliers concernés. Trois d’entre eux en accueillent plus qu’en 1999 :

87 000 pour le Luxembourg (+140%), 39 700 pour la Suisse (+22%) et 8 200 pour la Belgique. La relative faiblesse des frontaliers du Grand Est en Belgique s’explique par la proximité des Hautes-de-France, avec plus de 30 000 frontaliers. A contrario, le nombre de salariés frontaliers en Allemagne (48 200) est en baisse de 17%. Ces 183 000 travailleurs frontaliers représentent 8,1% des actifs en emploi dans le Grand Est.

Parmi les familles professionnelles les plus représentées par ces travailleurs frontaliers figurent dans l’ordre les vendeurs, les conducteurs de véhicules, les ouvriers qualifiés de la manutention, les ouvriers non qualifiés des industries de process, les agents d’entretien, les cadres de services administratifs, comptables et financiers, les ouvriers qualifiés des industries de process, les employés administratifs d’entreprise, les personnels d’études et de recherche et les ouvriers qualifiés de la mécanique.

Trois fois plus de qualifiés en 20 ans

À chaque pays d’accueil ses spécificités d’embauche. Près de 30 000 salariés originaires du Grand Est exercent une profession très qualifiée. Leur nombre a augmenté de 220% en 20 ans. Ils pèsent 21% des embauches frontalières en Suisse, 16% au Luxembourg, 14% en Allemagne et 9% en Belgique. A l’inverse, 21 000 salariés frontaliers, employés peu qualifiés, ont vu leur nombre progresser de 56%. Ils représentent 17% des embauches en Belgique, 14% au Luxembourg, 9% en Suisse et 8% en Allemagne. En 20 ans, le nombre de frontaliers exerçant une profession très qualifiée (ingénieurs, cadres, enseignants, médecins …) est passé de 9 300 à 30 000 (+220%). Ces frontaliers sont surtout présents au Luxembourg, en Suisse et en Allemagne, pays à salaires beaucoup plus élevés qu’en France.

Une baisse de 25% des moins qualifiés

Si le nombre de salariés frontaliers peu qualifiés reste pratiquement stable (+2%), celui des ouvriers non qualifiés est en forte baisse (-26%). Cette baisse est de 50% en Allemagne et de 14% en Suisse. L’automatisation, la montée en gamme et les délocalisations des activités de production de base semblent contribuer à cette baisse du travail non qualifiés en Allemagne. À noter que la baisse des ouvriers non qualifiés demeure plus forte chez les frontaliers (-10,4%) que chez les non frontaliers (-6,7%).

Donc, mieux vaut être un ouvrier qualifié pour postuler un emploi transfrontalier. Nuance : les postes d’employés non qualifiés, contrairement à ceux d’ouvriers non qualifiés, sont en augmentation dans le transfrontalier du Grand Est (+56% en 20 ans) et surtout au Luxembourg. La proportion de diplômés augmente plus vite chez les frontaliers que chez le non frontaliers. Vingt ans auparavant, 72% des travailleurs frontaliers n’avaient pas le baccalauréat, ce pourcentage tombe à 43% en 2019. En Suisse et au Luxembourg, les travailleurs frontaliers sont proportionnellement plus nombreux à exercer une profession très qualifiée (21 et 16% contre 14 et 9% en Allemagne et en Belgique).

Des ouvriers non qualifiés plus âgés

Près de 36% des frontaliers ouvriers non qualifiés ont plus de 50 ans. Ils ne sont que 27% chez les non frontaliers. Le nombre des plus de 50 ans a progressé de points chez les frontaliers et de 15 points chez les non frontaliers. À croire que l’expérience paie mieux hors des frontières.

Mais, il est vrai que l’âge de la retraite plus élevé en Allemagne, y est pour quelque chose. Pour les professions plus qualifiées, les jeunes frontaliers sont plus jeunes. Hors Grand Est, 34% des ingénieurs en informatique et 33% des personnels d’études et de recherche ont entre 30 et 39 ans. Autre statistique révélée par l’INSEE, sur les 9 200 personnels de santé du Grand Est (infirmiers, sages-femmes, médecins…), 460 d’entre eux travaillent dans l’un des quatre pays frontaliers (5%). Près de la moitié d’entre eux exercent au Luxembourg. La Moselle est le département le plus représentatif en la matière (11% des personnels de santé sont des frontaliers). La nature des emplois change, les conditions d’emploi évoluent et la flexibilité, notamment par une dose de télétravail, s’impose.

Cette réflexion est au centre du rapport en autosaisine du CESER Grand Est « Les enjeux de la transformation du marché du travail dans les bassins de vie transfrontaliers », présenté lors de la séance plénière d’octobre. Il s’agit, pour l’Assemblée consultative régionale, de favoriser une meilleure harmonisation et équité des règles, des pratiques et des situations dans les territoires transfrontaliers du Grand Est.

Le CESER remarque que si les flux transfrontaliers sont bénéfiques aux taux de chômage du Grand Est ils induisent, outre des voies de communication surchargées, un certain nombre d’inconvénients : un déséquilibre social renforçant la stratification entre les travailleurs frontaliers plus aisés et les autres et notamment en ce qui concerne l’accès au logement, un déséquilibre économique par une pénurie de main d’œuvre qualifié, ainsi qu’un déséquilibre fiscale issue d’un manque de recettes pour les collectivités.

D’où cette proposition : la création d’une agence de la transformation selon le modèle en place dans le land de Rhénanie-Palatinat. Enfin, dans une rubrique « Chiffres et données », à partir d’informations allemandes, luxembourgeoises et du Grand Est, soit la Grande Région, le rapport du CESER fait état de statistiques de 2022. Les travailleurs frontaliers du Grand Est sont au nombre de 210 000, soit une progression globale de près de 15% en trois ans, +39% pour le Luxembourg, +1% pour la Suisse, +0,1% pour la Belgique et -15% pour l’Allemagne.