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L’Aisne défie l’Etat avec un budget en déficit

Budget. Le Département s’apprête à voter son budget, présenté en déséquilibre, pour 2024 le 9 avril.

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Photo de plusieurs personnes travaillant sur un budget
(Crédit : Freepik)

Le Département s’apprête à voter son budget pour 2024 le 9 avril. Mais celui-ci sera présenté en déséquilibre par le président, Nicolas Fricoteaux, et le bureau du conseil départemental. Le déficit prévu, c’est-à-dire la part des dépenses non couverte par les recettes ou l’emprunt, devrait se monter à 22 millions d’euros. La loi interdit pourtant aux collectivités territoriales, contrairement à l’Etat, de voter un budget déficitaire. Si les dirigeants du département s’y sont pourtant résolus, c’est parce que les comptes de la collectivité se sont rapidement dégradés depuis l’an dernier.

Dès le début de l’année, lors de débat d’orientation budgétaire, le président du conseil départemental avait tiré le signal d’alarme : « En 2023, nos dépenses progressent de 48,5 millions (euros), alors que nos recettes n’augmentent que de 10,9 millions, avertissait-il, soit un différentiel de 37,5 millions. Pour 2024, les projections nous donnent à nouveau une variation négative. »

Un terrible « effet de ciseau »

Il pensait toutefois possible de trouver une issue : « Nous ne pourrons équilibrer notre budget, précisait-il, qu’au prix d’une nouvelle baisse volontariste de nos dépenses de fonctionnement, d’un report de certains investissements et d’un recours supplémentaire à la dette. » Mais déjà, Nicolas Fricoteaux repartait plaider la cause des départements les moins bien lotis, comme l’Aisne, aussi bien au sein de l’ADF (Association des départements français) que des ministres concernés et d’Éric Woerth, député de l’Oise et ancien ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, chargé par l’Elysée d’une mission sur la décentralisation. L’espoir encore caressé en février d’arriver à boucler le budget s’est envolé en mars. Les départements sont victime d’un terrible « effet de ciseau » entre des dépenses qui grimpent et des recettes qui dégringolent.

D’un côté, leurs ressources habituelles s’évaporent, notamment les DMTO (Droits de mutation à titre onéreux) payés par les acheteurs de biens immobiliers, Ils ont baissé de 20 % en un an dans l’Aisne, du fait de la diminution des transactions. De l’autre, les dépenses s’envolent, à l’exemple du RSA (Revenu de solidarité active), dont le nombre de bénéficiaires augmente en raison de la mauvaise conjoncture. Et quand l’Etat décide d’augmenter le RSA de 4,6 % à cause de l’inflation, ce sont les départements qui règlent la note. Le gouvernement d’Elisabeth Borne avait bien vu le problème et prévu une aide aux départements les plus en difficulté. L’Aisne a touché 7 millions supplémentaires l’an dernier et doit recevoir 10 millions de plus cette année, dont elle n’a pas vu la couleur pour le moment. Mais c’est loin combler le trou creusé par le différentiel entre ses charges et ses moyens.

En bravant la loi, le conseil départemental obligera le préfet à réagir. Après le vote du 9 avril, il devra saisir la chambre régionale des comptes, qui aura un mois pour indiquer au département les modifications à apporter à son budget afin d’en rétablir l’équilibre. Le conseil départemental aura à son tour 30 jours pour voter un projet sans déficit affiché. Faute de quoi, la chambre des comptes autorise le préfet à « régler » le budget de la collectivité en imposant des réductions de dépenses ou des recettes supplémentaires.

Pour éviter d’en arriver à cette extrémité, les trois sénateurs axonais ont sans attendre pris la défense du département. Pascale Gruny, Antoine Lefèvre et Pierre-Jean Verzelen ont cosigné une lettre au Premier ministre, où ils rappellent que l’Aisne fait partie des départements désavantagés par « une faiblesse structurelle de leurs recettes ». Ils demandent à Gabriel Attal des « solutions équitables, efficaces et pérennes » permettant au Département de mener à bien ses missions, vitales pour la population.