Jean-Louis Thouard
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Jean-Louis Thouard

Bien dans sa bulle.

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Photo de Jean-Louis Thouard
Depuis son atelier à Daix, Jean-Louis Thouard laisse libre cours à son imagination et à ses talents pour donner vie aux scenario pensés par les auteurs avec lesquels il travaille. (Crédit : JDP)

« Qui suis-je ? Je me le demande encore... », sourit Jean-Louis Thouard. Originaire de Toulouse, cet enfant du Jura nous a ouvert les portes de son atelier en périphérie de Dijon, à l’occasion de la sortie de sa nouvelle bande-dessinée, Le Dossier Thanatos, réalisée à quatre mains avec Roger Seiter et parue aux éditions Robinson.

« Roger Seiter, c’est l’auteur avec qui j’ai le plus travaillé. Je l’avais rencontré sur un salon et c’est comme ça qu’on a commencé à travailler ensemble sur une trilogie autour d’Edgar Allan Poe (histoires extraordinaires d’Edgar Poe, parue en trois tomes chez Casterman, Ndlr). Dans ce nouvel album, on replonge dans l’Édimbourg du XIXe siècle, avec une intrigue policière au sein du mouvement spirite, tout en s’intéressant beaucoup à la condition des femmes et aux premiers mouvements féministes », détaille-t-il.

Cet imaginaire - compétence obligatoire dans le métier - l’auteur-illustrateur le cultive depuis sa plus tendre enfance passée dans un petit village en bordure de la forêt de Chaux.

« Mon père avait fait des études de philosophie et ma mère des études d’italien. J’ai toujours baigné dans un milieu plutôt culturel... même s’ils n’avaient pas forcément une ouverture vers l’art contemporain, ce qui devait être sûrement déroutant dans les années 1970-1980 pour des non-initiés. Mon père m’achetait quand-même pas mal de bandes-dessinées ! »

De la bibliothèque à la table à dessins

Arrivé au collège, à Dole, il passera même le plus clair de son temps dans une bibliothèque jouxtant l’établissement. « Avec les copains, on allait consulter les livres qui ne nous étaient pas spécialement dédiés... de la bande-dessinée aux romans dans un registre un peu horreur érotique, confie-t-il, avec amusement. C’est là que j’ai découvert Bram Stoker, Sheridan Le Fanu... les premiers récits vampiriques ou encore Frankenstein... J’ai aussi un bon souvenir d’avoir lu Les dents de la mer et il y a notamment des passages assez érotiques qu’on ne retrouve pas dans le film de Spielberg d’ailleurs... Bref ! Je me suis rendu compte que ce genre de romans abordant des thèmes un peu étranges et décalés sur fond de fantastique me plaisait bien ! »

Sa rencontre avec le dessin aura lieu aux prémices de l’adolescence. « J’avais un camarade de classe qui était vraiment doué pour le dessin et je voyais la fascination que pouvaient avoir mes autres camarades lorsqu’il dessinait en caricaturant un prof avec humour ou en faisant des petites BD avec les gens de la classe. »

Découvrant Marcel Gotlib ou encore Frank Margerin et feuilletant le magazine Pilote, Jean-Louis Thouard s’initie lui aussi au dessin, passant ses soirées et ses week-end enfermé dans sa chambre. « Les années passant, j’ai fini par découvrir des auteurs comme Enki Bilal, Moebius, Tanino Liberatori qui m’a notamment beaucoup impressionné, ou encore Philippe Druillet, Jean-Claude Mézières... Assez tôt, vers 12-13 ans, j’ai acheté un énorme cahier que j’ai commencé à remplir avec un personnage que j’avais imaginé... un chien qui ne ressemblait pas du tout à un chien, avec des super-pouvoirs ! J’aimais bien mêler comme ça des choses qui pouvaient m’arriver, mais qui pouvaient aussi totalement être de l’ordre du fantasme », se souvient-il.

Le bac en poche, il se décide de se focaliser sur l’idée de travailler dans le dessin et dans l’illustration. Après une année aux beaux-arts de Besançon, il intègre les Arts Déco de Strasbourg (aujourd’hui Haute école des arts du Rhin). C’est à cette époque qu’il sortira son premier livre Le Bestiaire fantastique du pays de Comté.

« Étudiant, j’ai assez vite compris qu’il fallait montrer son travail aux éditeurs. On se fait un nom dans la profession en essayant de faire partager ses projets, en les rendant intéressants et en croyant à ce qu’on fait, tout en restant honnête avec soi-même. Il y a des artistes qui m’influencent, bien sûr, mais j’essaie vraiment de trouver ma voie, mon style graphique, la manière dont je vais amener les couleurs... »

« Ce que j’aime, c’est adapter mon style graphique au récit que je vais aborder, pour ne pas faire tout le temps le même dessin d’un projet à l’autre. »

Si Jean-Louis Thouard travaille aujourd’hui aussi bien de façon traditionnelle, avec du papier, un crayon et des aquarelles, il a aussi intégré la tablette graphique numérique dans son atelier. Des livres illustrés à la bande dessinée, seul ou en duo, à l’origine d’un projet ou en réponse à une commande, l’auteur-illustrateur travaille depuis son atelier et reconnaît une certaine solitude qui peut parfois s’installer : « C’est vrai qu’on a tendance à beaucoup travailler seul et de manière intense ».

Pour sortir de cet isolement et transmettre sa passion, Jean-Louis Thouard enseigne à l’École supérieure appliquée au design et au digital (Esadd) à Dijon et propose tous les mercredis des ateliers à Dijon, à partir de 12 ans, pour découvrir le dessin et la narration dessinée et pour s’améliorer. Côté actualité, s’il travaille actuellement sur une commande pour un éditeur qui tourne autour de la bataille de Valmy en 1792, Jean-Louis Thouard réfléchit aussi aux futurs projets : « J’aurais bien envie de revenir à des choses un peu plus personnelles. »