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Ressources humaines : la rupture conventionnelle est valable, même en cas de conflit

Jurisprudence. Depuis plusieurs années, la Cour de cassation admet la possibilité de conclure une rupture conventionnelle même s’il existe un différend entre l’employeur et son salarié. Attention toutefois, précise Emmanuel Labrousse, co-responsable du groupe de travail social de Walter France, la rupture conventionnelle doit être exempte de tout vice du consentement.

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Photo d'un accord entre deux personnes
Une rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties (©Pixabay).

La rupture conventionnelle est un mode de rupture particulier du contrat de travail d’un salarié en CDI. Ce n’est en effet ni un licenciement, ni une démission. L’employeur et le salarié conviennent d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail. Ce qui signifie que la rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Dans une récente affaire, un salarié, engagé en qualité d’ouvrier du bâtiment, refuse à plusieurs reprises de travailler avec son harnais de sécurité et son casque. Au vu de la répétition des faits, l’employeur envisageait de le licencier pour faute grave, voire lourde. Toutefois, au regard de l’ancienneté de la relation contractuelle, la société offre au salarié le choix entre un licenciement pour faute et une rupture conventionnelle. Le salarié choisit la seconde solution mais après la rupture du contrat, sollicite l’annulation de la rupture conventionnelle au motif que celle-ci est « nulle pour violence » car elle a été acceptée sous la menace d’un licenciement disciplinaire.

Un différend ne remet pas en cause la validité de la rupture conventionnelle

La Cour d’appel de Toulouse déboute le salarié, ce que confirme la Cour de cassation dans un arrêt du 15 novembre 2023. Après avoir rappelé le principe selon lequel l’existence d’un différend entre les parties n’affecte pas la validité de la convention de rupture, les juges en appel ont estimé que le salarié n’avait pas usé de son droit de rétractation et ne démontrait pas que la rupture conventionnelle lui avait été imposée par son employeur.

Le contexte de cette décision est fréquent lors de l’engagement d’une procédure de rupture conventionnelle : l’employeur propose une rupture conventionnelle à un salarié lorsque celui-ci a commis une ou plusieurs fautes ou lorsqu’il est à l’origine de manquements créant un préjudice pour son employeur. La rupture conventionnelle peut alors être considérée comme une alternative acceptable pour les deux parties ; le salarié reste libre de négocier une indemnité supérieure au minimum légal ou conventionnel applicable et l’employeur diminue le risque de contentieux prud’homal lié à la rupture du contrat. Mais l’employeur ne peut en aucun cas extorquer le consentement du salarié sous la menace.

La preuve du vice du consentement est déterminante

Photo d'Emmanuel Labrousse
Emmanuel Labrousse, co-responsable du groupe de travail social de Walter France (©Walter France).

Rappelons que la violence (tout comme l’erreur et le dol) est considérée comme une cause de nullité. Le fait pour un salarié d’avoir signé une rupture conventionnelle sous la contrainte d’une procédure de licenciement constitue un vice du consentement. Il revient alors au cocontractant qui estime avoir été victime d’un vice du consentement d’en apporter la démonstration pour obtenir la nullité de la rupture conventionnelle.

Dans une affaire antérieure, du 16 septembre 2015, dans un climat conflictuel entre les parties, un salarié avait reçu plusieurs courriers de mise en demeure lui intimant l’ordre de reprendre son poste ou refusant de lui accorder des congés. Le salarié avait ensuite été convoqué à un entretien pour finaliser une rupture conventionnelle, mais aucune signature n’était alors intervenue. Postérieurement à cet entretien, le salarié avait été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un nouvel entretien en vue, cette fois-ci, d’un licenciement pour faute grave. Le même jour, il signait une rupture conventionnelle.

Dans ce contexte particulier, les juges avaient considéré, au vu des éléments de preuve rapportés par le salarié, que ce dernier n’avait pas eu d’autre alternative que de signer une rupture conventionnelle sous la contrainte ou d’être licencié : les pressions exercées par l’employeur avaient vicié le consentement du salarié. Cette convention avait été jugée nulle, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Une convention annexe est recommandée pour sécuriser l’opération

Dans l’affaire de novembre 2023, même si la Cour rappelait l’existence d’un différend entre les parties au moment de la conclusion de la convention de rupture, elle relevait que l’ouvrier du bâtiment ne rapportait pas en revanche la preuve d’un vice du consentement. Si le seul fait pour l’employeur de proposer au salarié de signer une telle rupture ne constitue pas, en soi, une forme de pression, le salarié doit pouvoir établir que son consentement a été vicié et que la rupture conventionnelle lui a été imposée.

En tout état de cause, Emmanuel Labrousse insiste : «  Dans cette hypothèse, afin de sécuriser la rupture conventionnelle, nous recommandons de conclure une convention annexe, en complément du Cerfa, qui permettra de rappeler que le salarié a pleinement consenti à la rupture conventionnelle. Cette convention devra rappeler les circonstances ayant conduit à la procédure de rupture, l’existence d’un délai de rétractation, la possibilité pour le salarié de contacter pendant ce délai le service public de l’Emploi pour connaître ses droits à l’assurance chômage et envisager la suite de son parcours professionnel et enfin la volonté commune des parties de s’engager dans une procédure de rupture conventionnelle, sans pression d’aucune sorte ».