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Après avoir rencontré des difficultés, la start-up audoise Epur rebondit et lève 1 M€

Innovation. Après une année 2023 difficile, l’entreprise renoue avec la croissance. Spécialisée dans la conception et la fabrication d’outils professionnels à commande numérique mobiles pour les métiers du bâtiment, elle projette de réaliser 1,8 M€ de chiffre d’affaires en 2024.

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Photo d'Ilias Zinsstag
Ilias Zinsstag, fondateur d’Epur, une start-up basée dans l’Aude. L’entreprise fabrique et commercialise des outils numériques innovants destinés à faciliter le travail des charpentiers dont l’Oakbot (©Epur).

La vie d’une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. Ilias Zinsstag, le fondateur d’Epur en sait quelque chose. Installée à Rodome, dans l’Aude, la start-up créée en 2016 développe, fabrique et commercialise des outils numériques innovants destinés à faciliter le travail des charpentiers dont l’Oakbot, première machine de fraisage à commande numérique et portative au monde.

En 2023, confronté aux conséquences de la guerre en Ukraine, à l’inflation et aux difficultés du secteur du bâtiment, ajoutées à l’annulation d’une importante commande, le chef d’entreprise a dû se résoudre à licencier une partie de son équipe et s’est placé sous la protection du tribunal de commerce dans le cadre d’une procédure de sauvegarde. Une période « très difficile à vivre » reconnaît Ilias Zinsstag, qui lui a cependant permis de se restructurer et de retrouver le chemin de la croissance. À tel point qu’il vient de lancer une nouvelle levée de fonds. Objectif : récolter 1 M€ en deux phases pour accélérer son développement à l’international et mener de nouveaux projets de R&D.

Ce fils d’éleveur, titulaire d’une maîtrise en sciences politiques et d’un master en développement agricole, n’en est pas à sa première aventure entrepreneuriale. Après avoir travaillé comme ingénieur d’étude au sein de l’Inra puis chargé de projet pour le parc naturel du Verdon, il a tenté une première installation agricole « qui a échoué » reconnaît-il. Il s’est alors reconverti en passant un CAP d’ouvrier professionnel en restauration du patrimoine. Après avoir travaillé quelques mois sous le statut de salarié, il s’installe en tant qu’artisan en 2012 et crée sa première entreprise spécialisée dans la charpente traditionnelle.

Création d’un nouveau marché

Photo de l'interface d'Oakbot
En 2023, Epur a fait partie des entreprises nommées au concours Les Inn’Ovations, dans la catégorie Innovation et Territoires, organisé par Ad’Occ (©Epur).

En 2013, pour un chantier sur lequel il travaille avec un autre artisan charpentier, il doit réaliser une série de 60 pièces toutes identiques. Un travail fastidieux. « Nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de disposer pour ça d’une machine qui nous permette de gagner en productivité, en qualité et en confort de travail », se souvient Ilias Zinsstag.

Les deux hommes optent pour la création d’un outil électroportatif, « c’est-à-dire une machine que l’on puisse utiliser comme le font les charpentiers avec leur scie circulaire », en résumé « une machine compacte, facilement transportable et pas trop chère ». En 2015, les deux artisans présentent leur prototype et remportent un premier prix au concours La start-up est dans le pré organisé à Espezel, dans l’Aude. « C’est à ce moment que nous avons commencé à travailler sur un business plan et à construire un projet entrepreneurial ». Un peu plus d’un an plus tard, Epur voit le jour.

Après avoir fait appel à un peu de love money pour lancer son programme de R&D, la jeune pousse reçoit 75 K€ de Crealia puis obtient en 2017 une aide pour le développement de l’innovation (ADI) de Bpifrance de 175 K€. Un financement qui permet à Ilias Zingsstag d’embaucher ses premiers salariés : un développeur, un technicien R&D et un ingénieur en mécanique. En fin d’année 2018, Epur vend ses premières machines Oakbot, utilisables en atelier et sur chantier.

Une autre vision du métier de charpentier

L’entreprise a reçu plusieurs récompenses dont un prix de la croissance décerné par Capitole Angels en 2022 (©Epur).

« Nous avons fait le choix de fabriquer nous même nos machines et de ne pas externaliser la production. Nous avons donc installé notre unité de fabrication en milieu rural, ici sur le plateau de Sault, dans les Pyrénées audoises, à 1000 m d’altitude », détaille le dirigeant. 10 machines sortiront de l’atelier en 2019, autant en 2020, puis 25 en 2021. Cette année-là, Ilias Zinsstag rencontre un acteur important de la distribution de machines à bois en France, le groupe Setin Machines à bois, basé dans l’Eure, en Normandie, qui devient distributeur exclusif de son robot de taille de charpente. « C’est ce qui nous a permis de passer un cap, dans la mesure où il nous a passé commande d’une soixantaine de machines », se souvient le dirigeant. En 2022, Epur produit 100 machines, s’agrandit, ouvre un second atelier dédié à la fabrication d’un deuxième produit, un châssis stationnaire modulaire.

« Avec l’Oakbot, nous avons créé un nouveau segment de marché en comblant le trou qui existait entre les outils électroportatifs et les machines à commande numérique stationnaires souvent très onéreuses », décrypte Ilias Zingsstag qui y voit également une manière de lutter contre l’évolution actuelle du métier de charpentier. Et d’ajouter :

Notre outil doit permettre au charpentier de garder en interne l’activité de taille et donc de conserver sa marge sur cette partie essentielle de son métier. »

Epur, qui emploie aujourd’hui 15 salariés et a réalisé 1,5 M€ de chiffre d’affaires en 2023 après 2 M€ en 2022, loue et vend désormais en direct ses machines dans la moitié sud de la France. « Même si nous commercialisations nos machines depuis cinq ans, nous avons encore un travail d’évangélisation à mener pour faire les faire connaître », reconnaît le dirigeant qui joue aussi les VRP. Son objectif est, dès 2025, de recruter du personnel à la fois pour relancer la production tombée à 80 machines l’an dernier, mais aussi pour accélérer le développement commercial.

De nouveaux projets de R&D et l’international en ligne de mire

Accompagné depuis fin 2023 par le Réseau Entreprendre Occitanie Garonne, le chef d’entreprise a de fortes ambitions à l’international. Et de préciser :

Nous avons déjà prospecté lors de salons en Allemagne, en Suisse et en Autriche sans résultat pour l’instant. J’ai mis le sujet en pause depuis deux ans, mais dès l’an prochain, je souhaite m’implanter physiquement à l’international pour développer l’activité en Europe d’abord puis, une fois cette étape franchie, sur le continent nord-américain. Nous avons en effet de la demande aux États-Unis et au Canada où la construction bois est beaucoup plus répandue : elle représente là-bas 80 % du marché de la construction contre moins de 20 % ici. »

Pour financer ces projets, l’entreprise audoise prépare une nouvelle levée de fonds. En 2019, elle avait réussi à collecter 400 K€ auprès de plusieurs réseaux de business angels (Melies Business Angels à Montpellier, Capitole Angels à Toulouse, Art et Métiers Business Angels et Business Angels des Grandes Écoles (Badge). En 2024, la levée projetée est, dans un premier temps, de 300 K€ auprès de partenaires industriels puis de 700 K€ auprès de partenaires financiers.

Des fonds qui devraient également lui permettre d’initier de nouveaux programmes de R&D. « Nous allons lancer les études pour un nouveau châssis stationnaire non modulaire, ainsi que pour développer de nouvelles machines à commande numérique mobiles dans d’autres métiers et pour d’autres matières que le bois », assure le dirigeant.

Les machines d’Epur intéressent aussi beaucoup les centres de formation professionnelle où ces outils numériques donnent une image plus moderne du métier. « Notre outil a redonné goût à certains élèves apprentis charpentiers. Pour nous, c’est une belle reconnaissance de notre travail », conclut Ilias Zinsstag.